« Héros » ou « vilain » : la perception d’un survivant du cancer selon les aptitudes relationnelles du personnel de santé responsable des patients et patientes

24 octobre 2016

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Dennis Maione a développé une vision résolument contrastée de la profession médicale après avoir survécu à deux diagnostics de cancer colorectal au cours des 25 dernières années.  

Pour chacun de ses cancers, ce père de trois enfants originaire de Winnipeg a rencontré des personnes dans le système de santé, pour la plupart des médecins, qu’il considère aujourd’hui soit comme des héros, soit comme des vilains.  

Cette perspective de bons et de méchants peut sembler un peu simpliste, mais c’est la conclusion à laquelle est arrivé monsieur Maione après le nombre peu enviable de rencontres avec les services de santé qu’il a eues au cours des années. Chaque jour, cette histoire de héros et de vilains lui permet de donner un sens à ce qu’il vit. 

Monsieur Maione a une prédisposition génétique au cancer, appelée syndrome de Lynch. Il s’agit de la cause la plus fréquente de cancer héréditaire du côlon et de l’endomètre. Une personne qui souffre du syndrome de Lynch risque également de développer un cancer à un âge plus précoce que la normale et de développer plusieurs cancers primaires. 

Monsieur Maione a lutté contre le cancer pour la première fois à l’âge de 27 ans, quelques mois à peine après son mariage. Son premier chirurgien l’avait alors informé que, non seulement il devrait porter un sac de colostomie pour le restant de ses jours, mais qu’il serait également impuissant à cause de l’opération. Après lui avoir annoncé ces mauvaises nouvelles, le médecin avait passé la boîte de mouchoirs qui se trouvait sur la table au jeune couple devant lui, puis s’était levé et avait quitté la pièce. Ce comportement insensible a eu l’effet d’une bombe pour monsieur Maione : c’était la marque d’un vilain à ses yeux. 

Monsieur Maione se souvient de cette journée : « Je ne sais pas qui est ce type. Je ne sais pas s’il passait une mauvaise journée ou si c’était son attitude habituelle, mais il m’a traité comme si je n’étais qu’une maladie : “Voici ce que vous avez. Nous allons vous en débarrasser, et vous devriez vous réjouir parce que je vais vous retirer ce cancer”. Il n’avait aucun égard envers le jeune marié qui allait devenir impuissant, ni pour le jeune homme de 27 ans qui allait subir une colostomie et vivre avec cela pour le restant de ses jours ». 

Après avoir pleuré un bon coup, monsieur Maione et sa femme ont demandé un deuxième avis à un autre médecin. Ce dernier était un peu plus encourageant et largement plus compatissant. Ce second médecin a été en mesure de procéder à l’intervention chirurgicale et de tout rattacher correctement, avec pour résultat que monsieur Maione a pu vaincre ce cancer et s’en sortir relativement indemne. 

Grâce à cette deuxième chance de la vie, monsieur Maione a pu fonder une famille avec son épouse. Treize ans se sont écoulés avant qu’il ne soit mis au courant de l’existence de sa maladie génétique — après que sa mère l’ait incité à faire le dépistage. Deux ans plus tard, le cancer colorectal était de retour. Ses deux diagnostics de cancer et les opérations qui en ont découlé ont été des épreuves difficiles pour monsieur Maione, mais selon lui, elles étaient loin d’être aussi traumatisantes que de devoir rencontrer un généticien avec son fils de 18 ans pour lui annoncer qu’il avait hérité de la mutation génétique de Lynch de son père. 

« Mon fils et moi avons planifié des coloscopies le même jour. Nous n’allons plus à la pêche ensemble : nous subissons des coloscopies ensemble. Nous faisons la purge de nos intestins ensemble avant d’aller à l’hôpital et il passe l’examen en premier. Il avait peur la première fois. Il ne savait pas à quoi s’attendre. On lui a inséré l’aiguille pour l’intraveineuse et je me suis allongé dans le lit à côté du sien pour lui tenir la main… en lui disant que ça allait bien se passer. » 

Pendant son deuxième combat contre le cancer, Monsieur Maione a de nouveau rencontré un mélange de vilains et de héros durant son régime de traitement. Il se souvient d’un moment en particulier après sa résection du côlon en 2007. Il était plongé dans une sorte de cycle de récupération sans fin à l’hôpital. Son système digestif avait cessé de fonctionner, il se nourrissait de glaçons et d’intraveineuses et se sentait faible et déprimé. Sa chambre sentait mauvais. Il n’avait pas vu son chirurgien depuis un moment, mais un jour, alors qu’il déambulait péniblement dans le couloir comme un patient gériatrique, monsieur Maione l’a aperçu au poste de soins infirmiers. 

« Nos regards se sont croisés, il s’est retourné et a marché vers moi. Il m’a dit : “Dennis, comment vas-tu?” Je l’ai regardé avec l’air de quelqu’un qui allait mourir et je lui ai répondu : “je veux juste sortir d’ici, docteur”. Il a mis sa main sur mon épaule, et il m’a dit : “ça va aller”. » Monsieur Maione est persuadé que ce simple geste bienveillant a aidé sa guérison aussi bien que l’opération elle-même. 

« Le meilleur chirurgien que j’ai rencontré de ma vie, dit Maione. N’importe qui aurait pu m’ouvrir ou enlever la tumeur, mais cet homme a fait un simple geste qui a fait de lui un héros à mes yeux. » 

En revanche, monsieur Maione peut faire état de plusieurs interactions décourageantes au fil des ans avec d’autres médecins qui l’ont traité. Après sa deuxième intervention chirurgicale en 2007, son oncologue voulait qu’il suive une chimiothérapie par voie orale pour tuer toutes les cellules cancéreuses qui pouvaient encore se trouver dans son organisme. Mais à ce moment-là, sa femme et ses amis, dont un épidémiologiste, fouillaient dans les revues médicales pour trouver des informations sur le syndrome de Lynch, et ils avaient fait une découverte alarmante. Selon une étude canadienne publiée dans le New England Journal of Medicine, les personnes atteintes de cancers de stade 2 qui ont le syndrome de Lynch s’en sortent moins bien si elles suivent une chimiothérapie adjuvante.  

Naturellement, monsieur Maione et sa femme ont fait part de cette nouvelle recherche à l’oncologue, mais ce dernier l’a rejetée en jugeant l’information non cliniquement pertinente. 

« Peu importe ce que nous disions, on ne nous écoutait pas », se souvient monsieur Maione. 

« Je ne voulais pas être mon propre oncologue. Tout ce que je voulais, c’était trouver quelqu’un qui puisse me parler avec respect et accepter que le fait que j’étais capable de lire, d’analyser des dossiers et de voir que les taux de survie à cinq ans étaient différents. Mais on ne m’en a pas laissé la chance. » 

Frustré, craintif et contrarié, monsieur Maione s’est résigné à prendre ses pilules de chimio. Mais sa femme a continué ses recherches et a trouvé d’autres articles qui soulevaient davantage de questions. Le couple a découvert par lui-même l’existence d’un groupe de soins sur le cancer héréditaire à l’hôpital Princess Margaret de Toronto. Une fois de plus, l’oncologue de monsieur Maione ne voyait pas l’intérêt de prendre contact avec ce groupe. Il a fallu un certain temps avant que monsieur Maione obtienne enfin la référence dont il avait besoin et le financement nécessaire pour se rendre à Toronto. Sur place, un médecin lui a dit que si c’était son choix à lui, il ne prendrait pas de chimio. C’était suffisant pour monsieur Maione. Il a cessé son protocole de chimiothérapie et du même coup, il s’est fait une impression durable de son oncologue. 

« Je pouvais suivre des traitements de chimiothérapie. Je pouvais faire un suivi tous les six mois, chaque année. Je pouvais passer des examens d’imagerie. Je pouvais avoir tout ça, mais je n’ai pas pu obtenir d’engagement », explique monsieur Maione. 

« Et ça, pour moi, c’est ce qui a fait de lui un vilain. Ce n’est pas une question d’expertise. Ce n’est pas une question de traitement, mais d’interaction et d’engagement du médecin avec moi en tant qu’être humain. Je voulais simplement que cette personne s’intéresse à moi comme personne, à ce que je vivais et à l’état de mon corps. » C’est pour faire passer ce message d’empathie que monsieur Maione s’est joint à Patients pour la sécurité des patients du Canada il y a quelques années. 

« Je peux parler aux gens. J’ai accompagné quelques personnes dans les mêmes expériences que celles que j’ai vécues, mais à mon échelle, je ne peux entrer en contact qu’avec une ou deux centaines de personnes. Avec Patients pour la sécurité des patients du Canada, il m’est possible de rejoindre plus de gens. Chacun et chacune d’entre nous qui avons une histoire peut la raconter à un public plus vaste, à l’échelle nationale, peut-être même à plus grande échelle. » 

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