La sécurité dans la maison de retraite de maman : l’équilibre, le point critique durant une pandémie

Auteurs : Kim Neudorf

27 août 2020

L’appréhension que j’ai ressentie lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré une pandémie mondiale, le 12 mars 2020, découle d’une expérience vécue antérieurement dans le domaine des soins de santé.  

Je comprends que la prévention des infections est difficile, et ce, même dans des environnements contrôlés, mais je sais que c’est possible. Les dérapages et les défaillances, le manque d’équipement de protection individuelle (ÉPI), le mélange des résidents et le manque de préparation à plusieurs niveaux contribuent à provoquer des catastrophes. C’est ce qui est apparu quelques semaines plus tard, lorsque les titres des journaux canadiens ont fait état de l’incapacité des résidents et résidentes et du personnel des établissements de soins de longue durée à échapper à la COVID-19. La population canadienne a été scandalisée de constater la vulnérabilité des systèmes et l’insuffisance de la protection des personnes vulnérables.

Ma famille était attentive aux statistiques à l’échelle locale, nationale et internationale. Devant le nombre croissant de décès de personnes âgées dans les établissements de soins, les médias ont conseillé aux familles d’héberger leurs proches aînés. Nous nous sommes retrouvés entre l’arbre et l’écorce. Quelle était la meilleure option?

La mémoire de ma mère n’est que de quelques minutes. « Mon esprit est comme une passoire », se plaint‑elle, tout en gardant sa bonne humeur. La routine et les rappels lui permettent de conserver son autonomie. Son déménagement dans une maison de retraite, 18 mois plus tôt, visait quatre objectifs importants : la sécurité, la socialisation, le maintien de l’autonomie et une simplification du quotidien. La COVID-19 a menacé l’atteinte de ces objectifs, en plus de complexifier la vie des résidents et résidentes et la tâche du personnel qui gère l’établissement.

La situation de ma mère a été évaluée à distance. Le mois d’avril a été une période d’instabilité; les reportages des médias alimentaient mes doutes sur sa sécurité. J’ai tout de même choisi qu’elle demeure à la résidence, sous réserve de la première indication de l’entrée de la COVID-19 dans son établissement. Plusieurs facteurs ont appuyé ma décision : 

  • chaque unité est indépendante;
  • les rassemblements ont été interdits, puis ont repris avec la consigne de respecter la distanciation;
  • le personnel ne travaillait pas dans d’autres établissements;
  • les visites pour des soins essentiels étaient permises;
  • l’ÉPI était disponible et porté par le personnel;
  • la maison de retraite, un établissement privé, se conformait aux directives provinciales et nationales;
  • le nombre de cas de transmission communautaire était faible;
  • les contacts avec le personnel de l’extérieur et les familles étaient strictement surveillés;
  • maman déclarait être en bonne santé physique et émotionnelle
  • le statut de l’établissement et les nouvelles restrictions étaient communiqués clairement et régulièrement par la direction de la maison de retraite;
  • le personnel manifestait sa détermination à faire de son mieux.
  • le plan de soins anticipé de maman avait été révisé en mars, de sorte que je savais à quoi m’en tenir si elle devait tomber gravement malade.
  • des leçons étaient tirées chaque jour en divers endroits dans le monde.

Comme pour toute situation du genre, nous nous sommes adaptés à cette menace persistante et mon anxiété s’est atténuée. Des inquiétudes renaissaient lorsque des épidémies se produisaient dans notre communauté locale. J’avais l’obligation de suivre les consignes et de bien faire les choses, je ressentais le poids de mon rôle vis-à-vis de maman. Elle compte sur moi pour prendre les meilleures décisions en ce qui concerne ses soins, tout comme ma famille, et je ne voulais pas vivre dans la culpabilité ou le regret.

Il a fallu surmonter des écueils. Comme maman avait du mal avec la technologie, les visites virtuelles n’étaient pas envisageables. Pendant plusieurs semaines, elle a attendu avec impatience nos entretiens téléphoniques et nos rencontres en « face à face », moi dans le stationnement, elle sur son balcon au quatrième étage. C’était l’occasion pour moi de faire une mini évaluation de sa santé physique et émotionnelle. Une fois les restrictions levées, j’ai organisé notre première promenade en plein air. Cela faisait plusieurs mois que je n’avais pas été aussi près d’elle. Alors qu’elle s’accrochait à son manteau pour se protéger du froid, j’ai constaté des changements chez elle que je n’avais pas remarqués en me tenant à distance dans le stationnement. Elle semblait moins stable sur ses pieds enflés, plus voûtée, moins endurante, et elle avait pris du poids. L’année d’avant, elle marchait facilement sur une distance de huit pâtés de maisons; et à ce moment, elle arrivait à peine à faire la moitié.

J’ai supervisé les affaires de maman pendant les quatre dernières années. Elle avait fait de même pour sa propre mère au cours des deux dernières décennies précédant son centenaire. L’application des principes d’engagement est une attente inébranlable. Dans l’intérêt de la santé publique, nous avons renoncé, ma mère et moi, aux démonstrations d’affection auxquelles nous étions habituées. En contrepartie, je m’attendais à ce que la maison de retraite soit parée contre toute éventualité, à ce que les ÉPI ne manquent pas, à ce que des pratiques efficaces de prévention des infections soient mises en œuvre, à ce qu’on réponde aux préoccupations des familles, à ce qu’on préserve la dignité des personnes, à ce qu’on prévienne la fragilité et à ce qu’on permette la présence des êtres chers en fin de vie. Je m’attendais également à ce que les résidents et résidentes de la maison de retraite disposent de tous les moyens pour se protéger.

Heureusement, cinq mois après le début de la pandémie, la COVID-19 épargnait toujours la maison de retraite de ma mère. Maman n’est pas inquiétée par « le virus », elle dit calmement « ce qui doit arriver arrivera ». 

Nous devons croire qu’il est possible d’assurer la sécurité des personnes âgées et de les protéger, tout en répondant aux besoins humains d’amour, d’affection et d’appartenance. Le rapport intitulé Repenser les soins aux personnes âgées nous fait prendre conscience qu’il est possible d’améliorer les résultats cliniques des personnes âgées dans les établissements de soins.

« Prêtez autant attention à la fin qu’au début. » — Lao Tzu

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