L’héritage des soins prodigués à Fervid, les leçons que ses proches perpétuent

31 octobre 2012

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Pour ses proches, c’était comme si leur Fervid bien-aimée avait disparu du jour au lendemain. 

Oui, Fervid Trimble avait 87 ans. Elle était malade, aux prises avec une apparente grippe. Pourtant, quelques jours auparavant, elle était en pleine forme et vivait de façon autonome dans son appartement. 

Un coup de fil de Fervid a été suffisant pour inquiéter sa famille et pour que ceux-ci décident de l’amener une première fois aux urgences pour un examen. Comme elle était déshydratée, on lui a administré des fluides, puis elle est rentrée chez elle. 

Le lendemain, présentant des symptômes persistants, Fervid a été transférée au centre de soins de santé rattaché au complexe résidentiel pour personnes âgées où elle habitait, afin de récupérer. Tout le monde s’attendait à ce qu’elle rentre rapidement à la maison. 

« Ce qui s’est passé en fait, c’est que son état a commencé à se détériorer, raconte Johanna Trimble, la belle-fille de Fervid. Quand je parle de détérioration, je veux dire cognitivement. » 

Fervid était lucide pendant un instant, puis elle avait des hallucinations l’instant d’après. Elle avait des problèmes de coordination, et son bras était pris de mouvements répétitifs. 

« On pouvait parfois arriver et la trouver dans son lit sans pouvoir la réveiller, explique Johanne. Il ne s’agissait pas d’une sieste normale. Il était impossible de la réveiller. » 

À d’autres moments, Fervid délirait. Elle parlait de sa récente visite à Seattle avec son mari, qui était décédé des années auparavant. 

Cette mystérieuse descente vers la démence laissait son entourage perplexe. Johanna s’est finalement renseignée sur les médicaments prescrits à Fervid – des analgésiques et un antidépresseur –, puis elle a puisé dans ses connaissances en bibliothéconomie pour effectuer des recherches sur lesdits médicaments. Il s’est avéré que chacun d’entre eux affectait les taux de sérotonine dans le cerveau et que leur combinaison pouvait provoquer une interaction médicamenteuse connue sous le nom de syndrome sérotoninergique. Les symptômes de ce syndrome correspondaient à ceux que présentait Fervid. 

Johanna ajoute que la prescription d’un antidépresseur a créé une onde de choc parmi les membres de la famille. Fervid n’était pas déprimée dans les jours qui ont précédé sa grippe. 

Plus probablement triste d’être loin de chez elle, de ses proches et des personnes qui habitent son complexe résidentiel. Quant au délire, Johanna le soupçonnait d’être dû à l’interaction médicamenteuse indésirable. 

Le psychiatre de l’établissement, cependant, était sur le point de prescrire un autre médicament à Fervid – un médicament utilisé dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. 

« Avec le recul, je crois que le gros problème est que ces psychiatres ne connaissent pas bien leurs patients et patientes, dit Johanne. Ils ne se basent que sur l’état dans lequel la personne se trouve au moment où ils la voient. » 

Pour les médecins, Fervid présentait des symptômes de dépression et de démence. Mais il ne s’agissait pas de la Fervid que connaissaient ses proches. 

Fervid a été élevée sur une ferme, par des producteurs de blé extrêmement pauvres, dans le sud de l’Alberta, puis sa famille a déménagé plus au sud, aux États-Unis. Fervid avait par la suite étudié à l’Université de l’Idaho, où elle a obtenu une maîtrise en éducation. 

« C’était au début des années 1940, raconte Johanna. C’est de ce genre de femme dont on parle. Une femme forte sur qui on pouvait compter. » 

Il s’avère que les proches de Fervid le sont aussi. Johanna, avec ses recherches documentées, a fait équipe avec son mari, Dale, et la sœur de celui-ci, Kathie, pour rencontrer le personnel médical de l’établissement. 

« Mon mari a dirigé la rencontre, parce qu’il est un professionnel en matière de résolution de conflits, raconte Johanna en souriant. J’ai plutôt tendance à m’emporter. » 

Le personnel médical a écouté attentivement les conclusions et les préoccupations de la famille, et une décision de modifier les prescriptions de médicaments de Fervid a été prise sur-le-champ. 

« Il a fallu entre trois et six semaines pour qu’elle revienne à elle-même, raconte Johanna. Et elle est revenue entièrement à la normale, plus en forme que jamais. » 

Malheureusement, les nouvelles n’étaient pas toutes positives. L’interaction médicamenteuse avait contraint Fervid à rester alitée durant des mois. Chez les personnes âgées fragilisées, cela se traduit souvent par une perte rapide de masse musculaire. 

Lorsqu’elle a finalement obtenu son congé, Fervid a eu besoin d’un fauteuil roulant pour se déplacer. 

Environ cinq ans plus tard, Fervid est tombée malade en raison d’une infection bactérienne récurrente. Même si elle s’était affaiblie au fil du temps, son esprit était resté clair. 

« Quelque chose nous est arrivé en tant que famille, affirme Johanna. Tout ce que je peux dire, c’est que je crois que Fervid savait qu’elle n’allait pas être là encore très longtemps, et nous avons commencé à avoir ces conversations incroyables avec elle. 

Fervid a partagé avec nous toute la sagesse et l’expérience qu’elle avait acquises dans sa vie. Elle nous a dit combien elle nous avait aimés. » 

Un jour, vers la fin, Fervid a dit quelque chose de profond. Johanna ne se souvient pas des mots exacts, mais elle n’en a pas besoin pour se rappeler le message. 

« C’était comme si elle passait le flambeau, ou qu’elle donnait le relais », explique Johanna, qui s’est donné comme mission de travailler au nom des personnes âgées et de leurs soins. 

« Je me sens inspirée d’aller de l’avant et de faire en sorte que ce qui nous est arrivé n’arrive pas à d’autres personnes. » 

Johanna s’est jointe au programme Patients pour la Sécurité des patients du Canada (un programme dirigé par des patients et patientes de l’Institut canadien pour la sécurité des patients, aujourd’hui Excellence en santé Canada), ainsi qu’à plusieurs autres organisations de défense des intérêts des patientes et des patients. Elle fait aussi partie d’un comité de travail chargé de développer la formation continue des médecins sur la surconsommation de médicaments dans la prise en charge des personnes âgées. 

« Tout le monde a les meilleures intentions, mais nous devons examiner plus attentivement la façon dont nous prescrivons des médicaments aux personnes âgées fragilisées, qui vivent avec la moitié des fonctions rénale et hépatique d’une personne de moins de 75 ans. » 

Aussi, elle ne saurait trop insister sur l’importance d’impliquer les membres de la famille dans les soins. Si le personnel de l’établissement ne pose pas de questions, c’est aux proches du patient ou de la patiente d’intervenir et, avec respect, de poser des questions et de donner leur avis. 

« Ce n’est pas entièrement désintéressé, ajoute Johanna en souriant. J’ai quatre petits-enfants et je prévois avoir moi-même un jour besoin du système de santé. » 

L’histoire de l’expérience vécue par Fervid souligne toute l’importance de défendre les intérêts de nos proches quand ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes.  

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