« Si quelque chose semble anormal, il ne faut pas hésiter à poser des questions »

30 octobre 2014

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Deux semaines après avoir frôlé la mort, Nicholas Bravi est sorti de la douche sans ses bandes de sutures cutanées adhésives, laissant apparaître pour la première fois la cicatrice rouge vif sur sa poitrine. Pour sa mère, Carola Bravi, la vue de la cicatrice a ravivé le souvenir de cette scène chaotique à l’hôpital, lorsque l’intervention de routine s’est soudainement transformée en situation critique où le personnel, déconcerté, a dû se précipiter auprès de son fils de 15 ans pour le maintenir en vie. 

« Ce qui m’a vraiment frappée, c’est que sa cicatrice était de travers, raconte Carola Bravi, la voix brisée. Cela montrait à quel point le personnel a dû agir vite. J’ai soudainement compris que cet incident grave où la vie de quelqu’un était en danger avait affecté le personnel tout autant que moi. Tout le monde était réuni dans la pièce pour essayer de sauver mon fils. Je ne peux pas imaginer ce que ces personnes ont dû vivre en se demandant ce qui avait bien pu se passer. » 

Déterminer ce qui s’est vraiment passé est devenu la mission personnelle de Carola Bravi depuis ce jour d’avril 2010 où les choses ont si mal tourné. 

Lorsqu’il était encore enfant, on avait diagnostiqué à Nicholas Bravi un problème cardiaque appelé « syndrome de Wolff-Parkinson-White », ou WPW, une anomalie du système électrique du cœur pouvant entraîner un rythme cardiaque rapide et irrégulier. Il ne présentait aucun symptôme depuis plusieurs années, mais un jour, à son école de Penticton, le cœur de Nicholas a commencé à s’emballer. Après qu’il ait été stabilisé, on lui a prescrit un traitement d’ablation cardiaque au BC Children’s Hospital de Vancouver. 

Le cœur des personnes atteintes de WPW comporte essentiellement un circuit électrique supplémentaire. Lors d’une ablation cardiaque, de minuscules cathéters à pointe métallique sont insérés dans l’artère fémorale, de la jambe jusqu’au cœur. Au cours d’une intervention de quatre ou cinq heures, les médecins cartographient le réseau électrique du cœur, puis procèdent à l’ablation, ou au brûlage, des circuits supplémentaires et anormaux qui provoquent le problème. L’ablation cardiaque n’est pas sans risque, mais elle a pratiquement éliminé le recours aux chirurgies à cœur ouvert chez la grande majorité des personnes souffrant de WPW. 

L’intervention de Nicholas a été pratiquée dans le laboratoire de cathétérisme cardiaque de l’hôpital et non pas dans une salle d’opération. Tout a d’abord semblé se dérouler comme prévu. Carola Bravi s’est absentée de la salle d’attente pendant un moment et lorsqu’elle y est revenue, une femme l’y attendait pour lui dire que quelque chose venait de se produire. 

Ce n’est que plus tard qu’elle a appris qu’avant l’ablation comme telle, une cardioversion (une décharge électrique dans le cœur) avait causé un arc électrique anormal et imprévu dans la poitrine de Nicholas, causant trois brûlures au sommet de son oreillette droite. L’ablation prévue avait été exécutée du côté gauche de son cœur. 

Mais à ce moment précis, on ne savait encore rien de tout cela. Après son ablation, Nicholas était toujours en détresse cardiaque pour une raison quelconque. Un test d’ultrasons effectué d’urgence a révélé que son cœur était comprimé par du sang qui s’accumulait dans le péricarde. Il en était rendu au point où le cœur ne battait plus, il ne faisait que vibrer. Les médecins ont inséré une aiguille à travers la poitrine du garçon pour tenter un drainage et enlever un peu de pression sur son cœur, mais cela n’a pas fonctionné. On a dû procéder à une réanimation cardio-respiratoire. Un chirurgien cardiaque a pratiqué une ouverture dans le péricarde pour tenter de localiser l’origine du saignement, mais sans succès. Ce n’est qu’après une sternotomie d’urgence, où l’on a ouvert la poitrine du jeune homme, que l’on a découvert les trois brûlures fautives, dont une avait transpercé son cœur. 

Nicholas a été envoyé d’urgence en salle d’opération, où l’on a procédé à une intervention chirurgicale à cœur ouvert. Il s’est ensuite retrouvé sous ventilation aux soins intensifs et a été maintenu en état d’hypothermie pendant un moment, au cas où son cerveau aurait été endommagé. 

Le lendemain, Carola Bravi était encore en train d’absorber le choc des événements lorsqu’un anesthésiste de l’hôpital, préoccupé par la situation, a admis que Nicholas avait subi tout un choc la veille. Ces mots ont tout remis en perspective. Elle se devait de découvrir ce qui s’était produit. 

Personne ne pouvait expliquer comment ces trois brûlures s’étaient produites. Le médecin de Nicholas a déclaré que jamais rien de tel n’était arrivé dans cet hôpital, ni même, à sa connaissance, où que ce soit d’autres. Le cas de Nicholas n’était même pas l’unique cas sur un million, il était simplement le seul connu à ce jour. 

Carola Bravi, qui a travaillé comme employée de bureau dans des hôpitaux pendant 27 ans, trouvait cette réponse difficile à croire. Après une recherche approfondie et beaucoup de questions, ses soupçons se sont portés sur les cathéters utilisés lors de l’intervention. 

Elle s’est d’abord demandé comment il pouvait être sécuritaire d’insérer des cathéters à pointe métallique dans le cœur au moment même où cet organe recevait une décharge électrique destinée à ramener le pouls à un rythme normal, l’une des phases cruciales de la procédure d’ablation. Mais le médecin soutenait qu’ils sont souvent utilisés pendant les ablations et que c’est la manière normale d’effectuer cette procédure. 

Elle s’est ensuite intéressée aux cathéters eux-mêmes. En interrogeant le médecin de Nicholas, elle a appris que l’un des cathéters utilisés sur son fils était un produit réutilisé, une fourniture médicale à usage unique employée pour un nouveau traitement. 

« Je sais, parce que j’ai travaillé en salle d’opération, que l’utilisation de fournitures médicales retraitées à l’étranger est une pratique acceptée en Colombie-Britannique, reconnaît Carola Bravi. Je me suis concentrée là-dessus. Si l’article utilisé sur mon fils avait été utilisé auparavant, j’espérais vraiment qu’il était encore sécuritaire. » 

Des mois plus tard, en continuant d’interroger les autorités médicales et les fabricants, elle a appris que le cathéter de son fils en était à son troisième cycle de retraitement. Et Nicholas en était le quatrième utilisateur. Elle a aussi découvert des lacunes inquiétantes dans le suivi et les essais de ces fournitures remises à neuf partout au Canada. Il est essentiel de savoir quelles questions poser dans de telles circonstances, admet-elle. Qu’arrive-t-il aux parents qui ne sont pas en mesure de le faire? Une mère ne devrait jamais avoir à signaler un incident ayant presque provoqué la mort de son fils à l’organisme de santé compétent. 

« Comment puis-je faire confiance au système quand je sais qu’on y trouve des lacunes inquiétantes? »  

Les produits pharmaceutiques approuvés par la FDA aux États-Unis doivent quand même être approuvés par les autorités sanitaires fédérales ici au Canada, souligne Carola Bravi. Pourquoi en est-il autrement pour ces fournitures? 

Mme Bravi a connu quelques petites victoires en cours de route. Le médecin de Nicholas a décidé qu’il n’utiliserait plus de cathéters à usage unique remis à neufs lors des procédures d’ablation, et il retire aussi les cathéters avant de donner une décharge électrique à son patient. Elle ne sait toutefois pas si les autres médecins utilisent encore ces cathéters remis à neuf. 

Nicholas s’est complètement remis de sa mésaventure. C’est un robuste jeune homme de 19 ans, qui va bientôt se lancer dans un cours de quatre ans en mécanique de véhicules lourds. « Je suis heureuse qu’il ait parfois du mal à payer ses factures, parce que cela signifie qu’il est encore parmi nous, dit sa mère. C’est un garçon heureux et en pleine santé. » 

On peut parfois se sentir très seul lorsqu’on enquête sur un incident survenu à un être cher, confie la mère du jeune homme. Mais elle ajoute qu’elle a trouvé beaucoup de camaraderie et un réseau de soutien solide chez Patients pour la sécurité des patients du Canada. La persévérance des autres membres l’incite à continuer à poser les questions qui méritent de l’être. 

« Comme patient et comme membre de la famille, il faut savoir défendre ses propres intérêts, vraiment. Ouvrez les yeux et les oreilles et si quelque chose ne vous semble pas normal, vous devez poser des questions », conclut Carola Bravi. 

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