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Comment les accueillir de nouveau?

MYTHE : La présence des partenaires de soins essentiels favorise la transmission des maladies infectieuses[1].

RÉALITÉ : Les partenaires de soins essentiels apprennent souvent à réaliser des procédures médicales à la maison, comme l’aspiration ou l’administration de médicaments. Ils apprennent aussi à suivre des protocoles de prévention et de contrôle des infections. En général, ils souhaitent participer à des formations sur la sécurité[2, 3], car ils tiennent à protéger leurs proches et à se protéger eux-mêmes. Les partenaires de soins essentiels ne sont pas de grands vecteurs de transmission[4, 5]. Leur présence peut être sécuritaire, pourvu que soient appliqués les protocoles de prévention et de contrôle des infections tels que le port du masque et le dépistage[6-9].

L’hôpital Hôtel-Dieu Grace, à Windsor, ouvre ses portes aux partenaires de soins essentiels depuis mars 2020. Plus de 750 personnes ont suivi son parcours d’orientation. Lisa, défenseure des patients à cet hôpital, a contribué à la mise sur pied et à la coordination de son programme de partenaires de soins désignés. Voici son témoignage.

Comment les accueillir de nouveau?

Je n’étais pas sûre de pouvoir le concevoir : aucun membre de la famille sur place, aucune visite. Comment cela allait-il fonctionner? Comment les familles pourraient-elles être certaines que tout irait bien pour leurs proches? Comment les patients sauraient-ils qu’ils n’avaient pas été abandonnés?

Comment les accueillir de nouveau?

En me mettant à leur place, tout ce à quoi je pouvais penser, c’était la détresse émotionnelle que cette situation allait engendrer.

Je me suis lancée à la recherche d’études, de données probantes et de guides pour soutenir la présence des partenaires de soins essentiels à l’hôpital malgré la pandémie. C’était important.

J’ai trouvé des livres blancs qui traitaient de la douleur affective ressentie par les gens après la première pandémie de SRAS. Il ne fallait pas que cela se reproduise.

J’ai téléphoné à un ami épidémiologiste; je cherchais n’importe quelle information qui confirmerait l’importance du soutien fourni par les partenaires de soins à hôpital durant la pandémie.

Et mon téléphone ne dérougissait pas : les familles s’ennuyaient de leurs proches, étaient inquiètes et se sentaient mises à l’écart. Elles ne cessaient de me répéter à quel point les restrictions étaient injustes. Elles craignaient que leurs proches ne comprennent pas leur séparation et se sentent abandonnés; elles s’inquiétaient de les savoir seuls; elles avaient peur que leurs besoins ne soient pas comblés sans leur soutien habituel. Elles éprouvaient de l’anxiété et trouvaient difficile de ne pas être sur place – on ne les informait de rien. Je compatissais. Je les encourageais du mieux que je pouvais, pour les réconforter et les rassurer. Mais je crois que malgré mes efforts, elles n’ont jamais eu l’esprit tranquille.

J’avais lu le terme « prestataire de soins essentiel » et je l’utilisais à la moindre occasion. Une bonne fois, j’ai dû le dire à la bonne personne au bon moment, parce qu’on m’a répondu : « Prestataire de soins essentiel… J’aime ça. » La porte était ouverte et j’en ai profité. J’ai expliqué plus en détail le rôle des prestataires de soins essentiels et l’importance de leur soutien aux patients.

Quelques jours plus tard, j’intégrais une équipe chargée de rédiger un document d’orientation pour les visites durant la pandémie. Le processus était enclenché.

Notre politique sur la présence des familles, établie avant la COVID-19, utilisait le terme « partenaires de soins désignés ». Celui-ci avait été retenu pour refléter le choix du patient et pour laisser la définition des soins et du soutien fournis à la discrétion du patient et du partenaire de soins.

« Comment pourrions-nous réintégrer les partenaires de soins désignés? » Quand on posait la question, employés et patients se montraient tous aussi craintifs. Comment y arriver de façon sécuritaire, sans augmenter les risques?

Il fallait entre autres :

  • des directives de santé et de sécurité, pour faire en sorte que tous respectent les politiques du milieu et les consignes de santé publique applicables;
  • des initiatives de sensibilisation et de formation chez les partenaires de soins désignés (PSD);
  • une carte d’identité pour les PSD;
  • de la formation en prévention et contrôle des infections (PCI) pour les PSD;
  • un processus de dépistage à l’entrée pour réduire les risques.

Le programme de PSD a été créé en reconnaissance du rôle fondamental que jouent la famille et les amis dans les soins au patient et le processus de guérison. Le patient détermine lui-même qui fait partie de sa famille, et les PSD deviennent de précieux membres de l’équipe soignante dignes de confiance. Les PSD se distinguent des visiteurs occasionnels, car ils connaissent leur proche mieux que quiconque et savent reconnaître les changements subtils dans son état de santé et son humeur.

Le PSD est d’abord nommé par le patient ou par son mandataire spécial. Ensuite, il s’engage à assumer son rôle et assiste à une séance d’orientation de 90 minutes, qui présente les responsabilités de chacun, le protocole d’entrée sécuritaire et la formation en PCI. Le PSD apprend la valeur de son partenariat et du rôle qu’il joue au sein de l’équipe soignante, et est avisé que ses responsabilités recoupent en partie celles du personnel. On lui explique le risque d’exposition à la COVID-19 et on lui demande de prendre les précautions nécessaires à la maison et dans la communauté.

Le volet de PCI comprend des informations et des activités interactives sur l’hygiène des mains, la transmission du virus, le port du masque et de l’écran facial, et la façon de mettre et d’enlever les équipements de protection individuelle.

À la fin de la séance, des travailleurs sociaux de l’unité viennent souhaiter la bienvenue dans l’équipe aux PSD.

Cette séance d’orientation en personne donne la chance aux PSD de poser leurs questions et sous-tend l’établissement d’une relation à long terme.

Les partenaires accompagnent leur proche durant leur parcours, et l’idée est de maintenir le programme de PSD après la pandémie.

  1. Guzzetta, C. « Family Presence During Resuscitation and Invasive Procedures », Critical Care Nurse, 2016, vol. 36, no1 : p. e11-e14.
  2. Toronto Region COVID-19 Hospital Operations Table. Access to Hospitals for Visitors (Essential Care Partners): Guidance for Toronto Region Hospitals (Acute, Rehab, CCC) During the COVID-19 Pandemic, octobre 2020. Sur Internet : https://www.oha.com/Documents/Access%20to%20Hospitals%20for%20Visitors%20-%20Oct%206.pdf.
  3. Alberta Health Services. Community-based Service Resource Manual, 2020. Sur Internet : https://www.albertahealthservices.ca/assets/healthinfo/ipc/hi-ipc-community-based-services-resource-manual.pdf.
  4. Munshi, L., et coll. « Pourquoi l’interdiction des visites dans les hôpitaux durant l’actuelle pandémie de COVID-19 devrait être assouplie », CMAJ, 2021. « Pourquoi l’interdiction des visites dans les hôpitaux durant l’actuelle pandémie de COVID-19 devrait être assouplie » (CMAJ)
  5. Ontario COVID-19 Science Advisory Table. « Impact of Hospital Visitor Restrictions during the COVID-19 Pandemic », Science Briefs of the Ontario COVID-19 Science Advisory Table, 2021, vol. 2, no Sur Internet : https://covid19-sciencetable.ca/sciencebrief/impact-of-hospital-visitor-restrictions-during-the-covid-19-pandemic/.
  6. Wee, L. E., et coll. « Containment of COVID-19 and reduction in healthcare-associated respiratory viral infections through a multi-tiered infection control strategy », 2021. « Containment of COVID-19 and reduction in healthcare-associated respiratory viral infections through a multi-tiered infection control strategy » (ScienceDirect)
  7. Nguyen, L. K. N., et coll. « Impact of visitation and cohorting policies to shield residents from covid-19 spread in care homes: an agent-based model », 2021. « Impact of visitation and cohorting policies to shield residents from covid-19 spread in care homes: an agent-based model » (ScienceDirect)
  8. Wee, L. E., et coll. « The impact of visitor restrictions on health care-associated respiratory viral infections during the COVID-19 pandemic: Experience of a tertiary hospital in Singapore », 2020. « The impact of visitor restrictions on health care-associated respiratory viral infections during the COVID-19 pandemic: Experience of a tertiary hospital in Singapore », American Journal of Infection Control (ajicjournal.org)
  9. Passerelli, V. C., et coll. « Asymptomatic COVID-19 in hospital visitors: The underestimated potential of viral shedding », 2021. « Asymptomatic COVID-19 in hospital visitors: The underestimated potential of viral shedding », International Journal of Infectious Diseases (ijidonline.com)